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Yousra Ouadghiri : Une psychologue engagée qui brise les tabous autour de la santé mentale au Maroc

Questions Interview

📌Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Yousra Ouadghiri, j’ai 27 ans.

Plutôt que de me décrire moi-même avec des adjectifs subjectifs, je préfère vous donner ce qui
est certain : mon âge, mon prénom, mon nom.
Mais si je devais dire une chose, c’est que je me considère un peu comme un enfant du monde,
une personne vive, curieuse, toujours en mouvement.

📌Comment avez-vous construit votre carrière ?

Ma carrière ne s’est pas construite de façon linéaire.
Elle a été faite de hauts et de bas, de remises en question, mais aussi de beaucoup de persévérance et d’espoir.
Ce qui m’a portée, ce sont mes rêves, et le choix de ne pas les abandonner, même quand c’était difficile.
J’ai aussi été très motivée par mes parents, par leur regard, leur attente, et j’ai voulu, à ma manière, construire quelque chose de vrai.
Je suis une personne qui apprend de ses erreurs, qui tombe parfois, mais qui se relève toujours pour mieux choisir ce qui fait sens.
Aujourd’hui, je suis psychologue clinicienne et addictologue, et je peux dire que j’ai trouvé – et surtout, choisi – ma voie.

📌Pourquoi avez-vous choisi ce domaine ?

Au départ, c’est une démarche très personnelle qui m’a amenée à la psychologie. Je voulais me comprendre.

Comprendre mes propres blessures, mes traumatismes, mes forces aussi. Et plus j’avançais, plus je réalisais que j’avais cette capacité à écouter. Vraiment écouter.

Dans un monde où tout le monde parle, j’ai remarqué qu’on est peu à vraiment savoir entendre l’autre, sans jugement, sans précipitation.

J’ai toujours offert ça à mes proches… alors je me suis dit : Et si j’en faisais mon métier ?
Allier l’écoute, la compréhension, et la capacité à accompagner. C’est ce que je fais aujourd’hui avec passion.

📌Quels sont vos projets et ambitions pour l’avenir ?

L’un de mes grands objectifs, c’est de briser les tabous qui entourent encore la santé mentale au Maroc.
Beaucoup de choses avancent, oui, mais il reste encore un vrai travail à faire sur des sujets comme la psychologie, la sexologie, et surtout les addictions, qui restent très stigmatisées.

Dans mes rêves les plus utopiques, j’aimerais que chaque citoyen ait son propre psychologue, comme on a un médecin traitant.

Mais plus concrètement, je souhaite :

● continuer à développer mon site web et ma plateforme de téléconsultation,
● rendre la psychologie plus accessible,
● et contribuer, à ma manière, à un monde plus conscient, plus humain.

📌Y a-t-il un événement qui a marqué un tournant dans votre vie

Oui. Plusieurs même.
Mais s’il fallait en retenir un, je dirais que la perte brutale d’un être cher a été un des grands tournants de ma vie.
Cette disparition a été un choc profond. Une faille. Mais c’est aussi ce qui m’a poussée à me tourner vers la psychologie. Comprendre. Ne pas rester dans le silence et la douleur.
Et puis, à côté de ça, il y a aussi tous les petits moments lumineux : chaque fois que j’aide quelqu’un, que je sens que j’ai contribué à un mieux-être, même minime… c’est une satisfaction immense.
Et c’est ce qui me fait continuer, jour après jour.

📌Quel conseil donneriez-vous aux femmes qui souhaitent réussir

C’est un conseil qui, selon moi, s’adresse autant aux femmes qu’aux hommes : écoutez-vous.
Ne laissez jamais les mauvaises ondes, les jugements, ou les doutes extérieurs décider pour vous.
Il y aura toujours des voix qui diront que vous n’y arriverez pas. Mais si vous fixez un objectif clair devant vous, les choses peuvent s’aligner. À condition d’y croire, et de s’y accrocher.

Et si je dois m’adresser directement aux femmes, je dirais ceci : le mot “femme” n’est pas une faiblesse. C’est une force.
Nous sommes connues pour notre intelligence émotionnelle, notre résilience, notre capacité à tenir bon.
Donnez-vous à fond. Et si vous tombez, ce n’est pas un échec, c’est une étape. Une partie du chemin.

📌Comment percevez-vous la place de la femme dans votre domaine et dans votre pays ?

Dans mon pays, le Maroc, je constate avec fierté qu’il y a énormément de femmes psychologues, de penseuses, de chercheuses qui, chacune à leur manière, contribuent à faire avancer la société.

Je ne dirais donc pas que les femmes sont stigmatisées dans la psychologie : au contraire, elles y occupent une place centrale.

Et souvent, les patients – hommes comme femmes – se sentent plus à l’aise pour se confier à une femme. Peut-être à cause de notre sensibilité, de notre instinct d’écoute, ou simplement parce qu’on crée un espace d’accueil plus rassurant.

📌Que pensez-vous du site lemondefeminin.com ?

Je trouve que mondefeminin.com est une belle initiative qui valorise la parole des femmes dans toute leur diversité.

Mettre en lumière des parcours féminins, partager des expériences, et créer un espace d’expression… c’est exactement ce dont on a besoin aujourd’hui.

Un site comme celui-ci contribue à briser les stéréotypes, à inspirer, et surtout à normaliser le fait que chaque femme peut être pleinement elle-même — libre, forte, vulnérable ou ambitieuse, sans avoir à choisir.

📌Un dernier message à partager avec notre audience ?

Écoutez-vous.

Je le répète souvent, mais c’est tellement essentiel :

Le cerveau peut être notre meilleur ami… comme notre pire ennemi, si on ne l’écoute pas.
Il nous parle tout le temps : à travers le corps, les émotions, les silences, la fatigue, les élans.
Et si on apprend à écouter ces signaux, on peut vivre en cohérence avec soi-même.

Avec ses envies, ses limites, ses rêves, ses douleurs… mais toujours dans la justesse.
Le corps et l’esprit ne sont pas des machines stables : ils fluctuent. Et dans ces variations, il y a des messages précieux. À nous d’apprendre à les entendre.

Entretien réalisé par Aziz HARCHA
Juillet 2025

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